Par Didier SAMSON
Le premier musée au monde consacré au Vodou n’est ni au Bénin (Ex Dahomey) ni au Brésil, ni en Haïti, mais à Strasbourg dans le Grand-Est français. Et pourquoi cela ? Parce qu’un homme, Marc Arbogast, brasseur passionné d’art et des objets typiques qui racontent une histoire, a fait les rencontres qu’il fallait au bon moment. Plutôt habitué des chasses en Afrique centrale, il a été fortuitement amené à côtoyer les objets sacralisés et investis qui sont des témoins « vivants » d’une culture. Et c’est dans l’ancien Dahomey que cela se passe. Le collectionneur invétéré se prend de passion pour des sculptures curieuses qui vont bientôt envahir tout son espace vital au grand dam de son épouse, Marie Luce qui voit sa décoration d’intérieur transfigurée. Mais elle est aussi passionnée. Tout va bien donc ! Et voilà deux complices dans la vie désormais complices de la chose Vodou.
Marie-Luce et Marc Arbogast au milieu des costumes du culte Guèlèdè
Ils vont acquérir un vieux château d’eau et engager une nouvelle aventure de conservateurs de musée. Une association autour de cette passion gère le musée depuis 2014. Le musée vit des entrées payantes, de mécénat et de quelques petites subventions. Beaucoup de bénévoles dont les fondateurs participent à la vie de ce musée qui montre un pan des cultures africaines.
Le Vodou, du monde invisible à la matérialisation physique
« On ne se prend pas la tête » pourrait bien être le leitmotiv de Marc et de Marie Luce Arbogast. Les sculptures taillées dans le bois pour certains, moulées avec de l’argile pour d’autres ou encore en toiles tissées, semblent, a priori, effrayantes mais à s’y intéresser, c’est de l’histoire humaine qu’elles racontent et au mieux qu’elles portent. Du culte on passe au culturel et tout devient passionnant.
Marc Arbogast, qui ne sent investi d’aucune mission à part celle de partager une passion pour des objets ethniques et qui parlent de leur temps, a jugé utile de les exposer pour le plus grand nombre parce que dans certaines contrées ils sont témoins de vie et d’existence. Ces objets nés d’un art religieux ont aussi évolué dans le temps subissant des influences diverses et variées. La démarche de ce collectionneur se concentre essentiellement sur le témoignage et non sur l’expropriation. C’est pourquoi à Strasbourg dans le musée du Vodou, les objets exposés ne sont pas des divinités. En revanche ce sont des objets ayant servis dans les cultes dédiés aux différentes divinités du Vodou. Ils n’en perdent pas moins leur valeur.
Ainsi, le musée du Vodou à Strasbourg est juste un musée où l’on explique à travers un art typique la conception du monde : l’homme dans son environnement et sa spiritualité. Seront bien déçus ceux qui s’attendent à des bizarreries et au surnaturel. Ce n’est ni le monde des impossibles ni celui de la diablerie. C’est tout simplement la conception du monde selon des paradigmes différents. L’invocation de Dieu passe par plusieurs divinités et à travers un art maitrisé. C’est ce que les personnels et hôtesses du musée expliquent aux visiteurs.
Ayant visité de manière anonyme le musée, je me suis bien rendu compte de l’humilité des conservatrices qui dépoussièrent et démystifient les visiteurs pleins de préjugés et parfois d’appréhensions. Diplômées de l’histoire des religions ou de l’art, les conservateurs, conservatrices et hôtesses ne sont pas des initiées ni des adeptes d’un quelconque culte. Toutefois, le respect dû aux choses sacrées ne fait jamais défaut. Par exemple, dans le Vodou, un culte particulier est dédié aux jumeaux. Lorsque l’un ou les deux disparaissent, une représentation physique leur est consacrée. Petites sculptures en bois. Des poupées. Elles doivent périodiquement être nourries. Aussi lorsque le musée hérite de tels objets, il sacrifie aux rituels imposés par les divinités.
Sculpture représentant des jumeaux
Le Château Musée du Vodou donne sa propre définition du Vodou
« Le Vodou est une religion qui englobe un vaste champ de pratiques, de rituels et de croyances. Il est originaire d’Afrique de l’Ouest et il puise plus précisément ses racines dans l’ancien royaume du Dahomey. Il s’est fixé dans la forme que nous lui connaissons aujourd’hui aux alentours du XVIIème siècle.
Il encadre les moments clefs de la vie (naissances, unions, morts) mais vise aussi à guérir les maladies. Elle vise à maintenir une harmonie entre le monde visible, terrestre, de la nature, et le monde invisible des divinités et des ancêtres via la divination du Fa, des cérémonies, mais aussi des objets de culte.
Tous les objets présentés ont été utilisés dans des pratiques religieuses. La collection de plus de 1 400 objets appartient aux fondateurs du musée : Marc et Marie Luce Arbogast.
Venez à Strasbourg, à la rencontre d’Hébiéso (divinité de la foudre), de Mami Wata (déesse de l’océan), d’Aguin (génie de la brousse) et de toutes les autres figures du panthéon vodou. » * Accessible aux enfants.
Espace des Egungun
Le Bénin, pays par excellence du Vodou, certainement piqué au vif par cette affaire de Vodou à Strasbourg… en Alsace… en France, érige à Porto Novo, sa capitale, un Musée international du Vodou. Il fallait bien ça. Les travaux sont bien avancés. Inauguration à venir. On y sera !
Visite virtuelle du musée du Vodou de Strasbourg.
https://www.chateau-vodou.com/