(Première partie)
Quand l’Europe attaque le monde
A travers une série de papiers nous vous proposerons un regard sur le monde éclaté. Un monde qui se résume en une projection de l’Europe. Elle s’est invitée chez autrui. Partout. Elle s’est imposée. Une Europe prédatrice qui a délibérément refusé de regarder l’humanité dans sa complexité. Elle a vu en chaque personne rencontrée une proie potentielle, au mieux à soumettre, au pire à abattre… Sa curiosité, au lieu d’être une valeur humaine, est devenue la pire rencontre que de paisibles populations ont eu à faire. Tout a changé.
L’Europe n’est pas allée à la découverte de la terre, mais à l’assaut du monde. Habituée aux guerres, elle n’a jamais eu, à travers les âges, une culture de paix. Au fil du temps, c’est à marche forcée que certaines nations ont obtenu d’autres « de se la boucler ». Les accords de paix n’étaient rien d’autre que le calme imposé par le vainqueur.
Evidemment, au fil des siècles, cette manière de faire, la brutale attitude pour forcer le respect, s’est inscrite dans l’ADN des Européens. Aucune nation se s’est construite par des associations et des regroupements de gens bienveillants et sympathiques. Tout s’est fait à coups d’épées et de canons. Tuer et exploser sont des mots synonymes de bravoure. Est-ce vraiment un hasard si « canon » en grec veut dire « mesure », contextualisé en langage facile : la règle. Les balises normatives pour les populations longues à la détente, celles qui ne comprennent pas vite… Canon en français courant ne désigne-t-il pas le modèle idéal auquel il faut se conformer ? Se conformer est ici le déterminant. Vous n’avez pas le choix ! Les boulets de canon étaient alors le langage diplomatique persuasif. Les détonations et déflagrations sont explicites… Et depuis l’industrie européenne, dans l’art de tuer n’a pas arrêté de se sophistiquer.
Les empires Romain, Byzantin, Ottoman, Britannique et des Habsbourg, pour ne citer que ceux-ci, ont façonné l’histoire de l’Europe et leur héritage a déteint sur le reste du monde. De leurs croyances et terribles cultures des nations ont été défaites, reconstruites ou érigées pour donner aujourd’hui des contours que nous connaissons.
Le 15e siècle, le moment de la projection
En Europe, les nations en construction ont compris que le rapport de force détermine le rang. Les rivalités entre Etats ont poussé les uns et les autres à surenchérir sur les notions « de puissance et d’influence ». Et, les bouleversements politiques, culturels et économiques qui ont constitué le terreau de la Renaissance (16e siècle) et des prétextes. Modernité oblige. Les prémices des Etats-nations y ont trouvé de timides manifestations. Français et Anglais avaient mis fin à une guerre dite des Cent ans (1337-1453) avec Jeanne d’Arc, la pucelle porte-étendard des troupes françaises victorieuses.
Plus à l’est de l’Europe, on a assisté à la chute en 1453 de Constantinople l’emblématique capitale de l’empire romain d’Orient. Elle est prise par les Ottomans et marque la fin de l’empire byzantin. Ce bouleversement marque le début de quelque chose. Des mouvements de populations et surtout d’érudits grecs qui fuient vers l’Italie et cela va contribuer à la fameuse renaissance italienne. Comme un serpent de mer un mouvement culturel va pénétrer les entrailles de la société et révèle les arts, la philosophie et les sciences. Léonard de Vinci artiste peintre et prolifique inventeur scientifique en est un produit. Et le savoir sera consigné et diffusé. En effet en 1450, Johannes Gutenberg invente l’imprimerie. Les idées portées par les livres seront propagées.
Inévitablement ces évolutions apportent des changements majeurs dans les sociétés. Et développement des cités va rimer avec émergence d’une nouvelle classe, la bourgeoisie. Et qui dit bourgeoisie dit également structuration d’un capitalisme embryonnaire.
Dans la vague des inventions révolutionnaires, on note l’apparition de la Caravelle. Ce navire à voiles à hauts bords inventé par les Portugais sera un atout majeur pour les forces de projection des Européens. Dès 1415 les Portugais lancent des expéditions sur les côtes africaines. Elles vont rapidement devenir des campagnes d’occupation avec des établissements le long des côtes africaines et des îles au large de l’Afrique dans l’océan Atlantique. Cap-Vert, Madère et les Açores. Vasco de Gama et Bartolomeu Dias vont ainsi ouvrir des voies maritimes vers l’Afrique et l’Inde. A la fin du XVe siècle (1492) Christophe Colomb (1) se perd. Il croyait avoir atteint les côtes de l’Inde alors qu’il atteignait les côtes d’un autre continent: les Amériques.
Exploration et expansion
Les différentes « explorations » vont marquer le début de l’expansion coloniale européenne. Trois grandes motivations vont servir de ligne directrice pour les aventuriers européens.
- Motivations politiques : Les rivalités entre Etats européens étaient suffisamment fortes au point de pousser à la surenchère. Accroitre sa puissance était un bonus pour exercer une influence. Les rapports de force vont progressivement se faire au nombre de possessions de terres coloniales. Grandeur et prestige.
- Motivations économiques. La course aux nouvelles routes commerciales. Accéder aux richesses des contrées atteintes et surtout conquises pour se servir. Epices, soie, or, nouvelles terres cultivables, mobilisation de main d’œuvre gratuite et donc commerce d’êtres humains sont désormais les nouveaux défis. L’accès aux matières premières confortent les Etats et enrichissent les puissances coloniales.
- La religion a également pris une place importante dans les stratégies des conquérants européens. Portugais et Espagnols, profondément évangélisés, plaçaient leurs expéditions sous la protection de la Sainte Eglise. L’évangélisation a souvent servi de fondement aux missions dites civilisatrices. Par ailleurs, vers la fin du 15e siècle, quelques divergences au sein de la chrétienté ont préparé le terrain pour la Réforme protestante du 16e siècle. Leurs croyances revues et corrigées vont aussi avoir des répercussions dans le monde colonisé.
Le 15e siècle en Europe est une période des profondes transformations pendant laquelle on va progressivement s’affranchir des vieilles contingences médiévales pour aller vers de nouvelles donnes sociétales. Et ces transformations vont constituer pour certains une évolution et pour d’autres des bouleversements profonds. Le 15e siècle en Europe a façonné le monde.
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(1)Christophe Colomb
Christophe Colomb, le célèbre navigateur est un « looser » béni. Il se trompe et est statufié. Un destin hors du commun de ce fils de tisserand qui ne rêvait que de mer.
Né à Gènes en Italie en 1451, on l’appelle différemment dans les pays de la mer méditerranée où il passe. Né Cristoffa Combo en langue Ligure des peuples anciens habitants de la petite république de Gènes, il est aussi Cristoforo Colombo en Italien. Christophorus Columbus en Latin et Cristobal Colon en Espagnol, ou encore Christopher Columbus chez les anglophones.
Son père installé à Gènes aurait des origines espagnoles. Aventurier dans l’âme, il est très tôt devenu navigant commerçant pour le compte des négociants génois. A l’âge de 15 ans alors qu’il naviguait vers l’Angleterre son bateau a été attaqué par des pirates. Il a rejoint les côtes portugaises à la nage. Il est recueilli pas son frère tenancier d’une boutique de cartographie à Lisbonne en 1476. Il s’investit dans les études géographiques, se forme aux sciences de la navigation, se documente dans la compréhension des cartes des vents et courants…
Portugais d’adoption, il propose au Roi Jean II du Portugal, de rallier l’Inde par l’ouest alors les navigateurs portugais projetaient plutôt de contourner l’Afrique par le Cap de Bonne Espérance pour atteindre l’Océan indien. Les Portugais déjà présents sur les côtes africaines jugeaient l’idée de Christophe Colomb saugrenue. Et ses plans d’expédition étaient jugées irréalisables par le roi Jean II du Portugal. Christophe Colomb ne baisse pas les bras et convainc en 1485 les rois catholiques d’Espagne de financer son expédition.
Sept ans plus il part avec 3 navires et une centaine d’hommes. Alors que tout semblait désespéré après quelque 45 jours de navigation, enfin la terre en vue. Les marins ont crié « San Salvador ». Saint-Sauveur, baptisant ainsi la première île rencontrée dans ce qui est aujourd’hui l’archipel des Bahamas. Sur ces terres les populations dénudées sont accueillantes et pacifistes. Et rien ici ne ressemble aux descriptions de Marco Polo, qui 200 ans plutôt, avait déjà été en Inde. Mais Christophe Colomb se persuade d’être arrivé en Inde.
Tout le monde savait déjà que la terre est ronde, y compris Christophe Colomb lui-même. Mais dans ses plans alternatifs, complètement faux, il ignorait qu’entre l’Europe et l’Asie, sur le globe terrestre, il y avait un continent. Un autre. Il se croyait en Inde alors qu’il foulait le sol d’un nouveau monde. Lorsqu’il a atteint ce qui est aujourd’hui Cuba, il se croyait au Japon ! Têtu, il ne reconnaissait toujours pas ses mauvais calculs qui l’ont conduit sur un autre continent. Un Italien, Amérigo Vespuci, qui a effectué la traversée de l’Atlantique en 1503 a nommé ce continent, Nouveau Monde. Les cartographes de l’époque ont baptisé ce Nouveau Monde Amérique (América) en hommage à ce navigateur italien.
Nommé Amiral de la Mer Océane, Vice-roi des Indes donc, Christophe Colomb avait entrepris d’implanter une colonisation espagnole. Mais piètre administrateur et après 3 voyages il a été rappelé en Espagne. Après la mort de la reine Isabelle de Castille en 1504, il a perdu la quasi-totalité de tous ses privilèges. Il est mort en 1506 à Valladolid, presqu’aveugle mais riche.
Et jusqu’à sa mort il était toujours persuadé d’avoir été en Inde. Toutefois malgré ces grossières erreurs, son nom est lié à certains territoires du Nouveau Monde : la Colombie et la Colombie britannique, province occidentale du Canada…
Didier Samson
A suivre l’Europe et ses Empires coloniaux