Niché entre 1 500 et 3 000 mètres d’altitude à l’est de la chaîne montagneuse de l’Himalaya, le Bouthan est une enclave aux paysages extrêmement variés, entre forêts, vallées vertes et plusieurs centaines de glaciers. Karma Toeb est glaciologiste, chef du département de la cryosphère au Centre national d’hydrologie et de météorologie. Il travaille depuis vingt ans à réduire les risques de ruptures des lacs glaciaires. Nous l’avons rencontré au pavillon de son pays, à l’Expo city de Dubaï.
Le Bhoutan a été le premier pays dit négatif en carbone au monde. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Plus de 60% de la superficie du Bhoutan est couvert de forêts. Celles-ci absorbent et séquestrent le carbone de l’atmosphère. Leur capacité de séquestration est supérieure à ce que nous émettons en gaz à effets de serre. Et le couvert forestier continue de s’étendre car notre Constitution impose ce minimum de 60% de notre territoire.
Nous sommes fiers car seulement il n’y a que le Suriname qui a achevé sa neutralité carbone, et le Bhoutan est le premier à avoir un bilan négatif, comme nous l’avions annoncé à la COP15 [en 2009]. On espère maintenant que les grands pays vont nous suivre.
Le Bhoutan a été le premier pays dit négatif en carbone au monde. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Plus de 60% de la superficie du Bhoutan est couvert de forêts. Celles-ci absorbent et séquestrent le carbone de l’atmosphère. Leur capacité de séquestration est supérieure à ce que nous émettons en gaz à effets de serre. Et le couvert forestier continue de s’étendre car notre Constitution impose ce minimum de 60% de notre territoire.
Nous sommes fiers car seulement il n’y a que le Suriname qui a achevé sa neutralité carbone, et le Bhoutan est le premier à avoir un bilan négatif, comme nous l’avions annoncé à la COP15 [en 2009]. On espère maintenant que les grands pays vont nous suivre.
Le lac Raphstreng, à Lunana, est situé en contrebas du Thorthomi (à droite, en dehors de la photo). «Une rupture de la fine moraine entre les deux serait une catastrophe», alerte Karma Toeb. © Flickr
Quelles sont les solutions envisagées ?
Il y a eu un projet pour baisser le niveau de cinq mètres. Cela a duré cinq ans, de 2009 à 2012. Près de 17 millions de mètres cubes d’eau ont été évacuées artificiellement. C’était assez risqué, car dans cette zone, le relief est composé de glace, donc aucune tractopelle, aucune machine n’a été utilisée. On a mobilisé 300 personnes pour creuser un canal d’évacuation naturel. Nous sommes maintenant en 2023, ces lacs n’ont pas cédé. C’est peut-être grâce à nos travaux d’adaptation.
Un autre outil, c’est la cartographie des risques de Glof établie pour les pouvoir locaux et régionaux. Enfin, nous développons des systèmes d’alerte précoce. Si quelque chose d’anormal se passe là-haut, les capteurs, nous transmettrons les informations et nous pourrons avertir les populations dans la vallée d’évacuer.
Comment avez-vous travaillé pour comprendre cela ?
C’est essentiellement du travail de recueil de données sur le terrain, sur les glaciers Thana, Gangju La et Shodug. On fait des mesures de bilan de masse pour évaluer l’épaisseur de glace perdue ou gagnée par an. On regarde aussi de combien de mètre le front du glacier recule, à quelle vitesse. Idem pour les lacs : on mesure leur élargissement, leur profondeur et l’état des moraines.
► Comprendre les mesures de glaciers : Martial Bouvier, de La Poste à la surveillance d’un glacier
Et puis les Bhoutanais sont dépendants de ces glaciers pour s’approvisionner en eau douce…
Oui, et pas seulement pour boire et se laver, mais pour l’agriculture, l’électricité…
Quel regard portez-vous sur ces négociations ? Trouvez-vous que les États ont pris la mesure de l’urgence ?
C’est la première fois qu’un bilan mondial est réalisé. Le problème des montagnes sera mentionné dans la déclaration sur le Bilan mondial. Ce sera un document très important pour nous. Nous travaillons aussi à obtenir la mention de la nécessité d’un dialogue international sur les montagnes.
Si vos priorités ne se retrouvent pas dans ce texte, les impacts du changement climatique dans votre environnement ne seront pas pris en compte au niveau international. C’est donc indispensable pour sécuriser notre protection et notre adaptation, pour laquelle nous sommes particulièrement inquiets.
Je crois que les États ont pris la mesure de l’urgence. Ils négocient nuit et jour pour trouver un compromis et ils sont 200. La première étape, c’est l’accord sur le papier. Mais c’est vrai que les gens attendent de voir des actions concrètent mise en œuvre.
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